Avez vous dit: pétrole?

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L'exploitation du pétrole au Québec pourrait avoir des conséquences écologiques irréversibles. /image: neilpeterson.com

L’exploitation du pétrole au Québec pourrait avoir des conséquences écologiques irréversibles. /image: neilpeterson.com

Je suis contre la position du Parti québécois à cet égard.

Article: Véronique Bérard Le Collectif 

SHERBROOKE (CUP) — En septembre et en octobre 2013,  se tiendra une commission sur les enjeux énergétiques au Québec. Le Parti québécois présente l’exploitation des hydrocarbures comme une opportunité à saisir; mieux, il y voit même une solution pour réduire notre dépendance au pétrole. C’est sans grande surprise qu’il garantit une exploitation  responsable et respectueuse de l’environnement. Est-ce donc si pertinent, sûr et approprié de se lancer dans la voie des hydrocarbures au Québec? Y a-t-il vraiment une façon responsable et respectueuse d’extraire les hydrocarbures? Je crois que cette affirmation est un vœu pieux et pour certaines raisons, je suis contre la position du Parti québécois à cet égard.

D’abord, pour nous introduire dans le monde de «notre bon pétrole à nous», comme nous le chante Pétrolia dans sa récente offensive publicitaire, je trouve important de réajuster des fausses vérités auxquelles l’on cherche  à nous faire croire naïvement. Pour appeler une banane une banane, le sous-sol québécois et ce qui s’y trouve n’appartiennent pas réellement aux Québécois. Les ressources pétrolières appartiennent en vérité aux compagnies qui ont acheté les droits pour explorer et exploiter ces ressources. En effet, il existe au Québec un flou énorme, pour ne pas dire un manque de transparence éhonté en ce qui concerne les droits d’exploitation et les redevances de ces ressources. C’est notamment le cas pour les droits cédés par Hydro-Québec pour l’exploitation pétrolière sur l’île d’Anticosti, dont nous attendons encore et toujours les détails de l’entente. En ce moment, Pétrolia nous vante la pertinence d’exploiter «nos ressources» pour en faire profiter les gens d’ici. Or, il se garde bien de nous dire que ses actionnaires sont, pour la plupart, des acteurs étrangers dont certains se camouflent dans l’anonymat par des structures d’investissements le permettant. Une compagnie de chez nous Pétrolia? Laissez-moi en douter.

Donc, sachant que la majorité des actionnaires des ces nobles et valeureuses compagnies voulant nous enrichir sont des étrangers, que l’on ne vienne pas faire miroiter aux Québécois des redevances lucratives alors que les externalités négatives de ces exploitations sont souvent toutes assumées par notre État. Pendant  que ces compagnies bénéficient de mesures fiscales des plus avantageuses et que les profits fuient  vers des coffres qui ne sont pas les nôtres, les responsabilités sociales et environnementales de ces dernières sont généralement escamotées. Il suffit simplement de regarder du côté de la catastrophe dont Mégantic et l’ensemble des Québécois font et feront les frais pour de longues années à venir… Enrichissement pour l’État québécois? Encore une fois, permettez-moi d’en douter.

[pullquote]J’exige donc que nous ouvrions, par cette commission sur l’énergie, un réel débat et non une fiction à la sauce de gouvernance populiste. Je dénonce aujourd’hui l’offensive opportuniste des pétrolières sur notre territoire et l’aval que celles-ci reçoivent de nos élus. Soyons courageux et saisissons donc l’opportunité d’aborder  de face la question de notre dépendance au pétrole tant qu’il en est encore temps.[/pullquote]

D’ailleurs, pouvons-nous réellement parler d’enrichissement alors que les risques environnementaux sont si énormes? L’on précise rarement au grand public le fait que, ayant dépassé le pic pétrolier, nous sommes maintenant obligés d’extraire des formes d’hydrocarbures non conventionnels, qui sont excessivement  gourmands en énergie et en eau, et extrêmement polluants. C’est le cas du pétrole de schiste qui se loge dans le sol québécois : cette extraction nécessite des quantités d’eau considérables additionnées de produits chimiques, que l’on injecte dans la roche pour fracturer celle-ci et récupérer, tout au plus, de 2 à 5 % du pétrole qu’elle contient. La fracturation, qu’elle soit à l’eau ou au gaz, comporte en elle-même, entre autres, d’énormes risques de contamination des nappes phréatiques et de fuite de méthane. Ces détails sont-ils connus du public? De surcroît, nous explique-t-on qu’en cas de déversements, ce type de pétrole est extrêmement difficile à décontaminer?

J’entends certaines voix dire qu’il est vertueux de vouloir empêcher cette poursuite assidue d’or noir, mais que cette position manque de pragmatisme et de réalisme. En effet, à première vue, le pétrole peut sembler irremplaçable, la question est complexe et les solutions de rechange ne sont pas assez présentes, connues et nombreuses. Or, ce que je trouve plutôt pragmatique et réaliste dans la position que je défends, c’est de constater sans obscurantisme que nous arrivons au point critique d’une croissance liée aux énergies fossiles. Nos écosystèmes ne peuvent plus soutenir nos émissions de gaz à effet de serre. Des scientifiques nous alertent sur les dangers des émissions croissantes de GES depuis maintenant quelques décennies. Cette année, nous avons atteint le seuil critique de 400 ppm de particules de CO2 dans l’atmosphère. Si nous sortons et brûlons tous ces hydrocarbures, c’en est fini du climat.  Sachant que l’industrie pétrolière bénéficie de 12 fois plus d’investissements que le domaine des énergies renouvelables, il est clair que les efforts pour arriver à ralentir le réchauffement climatique ne se sont pas traduits par des gestes dans le domaine politique.

Certes, le défi est énorme. Cependant, la seule avenue viable est de nous dépêtrer de notre dépendance au pétrole. Des pays comme la Suède ont commencé à s’engager en ce sens depuis le premier choc pétrolier en 1973. Ici, au Québec, nous nous sommes souvent targués d’être l’un des endroits parmi les pays développés les moins émetteurs de GES, grâce à notre immense potentiel hydro-électrique. Il est donc crucial, pour demeurer dans cette position, de ne pas ouvrir ici une exploitation qui nous cristallisera dans un paradigme de dépendance et de risque avéré de pollution de l’eau, des sols et de l’atmosphère. Pour être réellement partie prenante des solutions, il importe d’arrêter de subventionner l’industrie des hydrocarbures et de se tourner vers les solutions. D’autres pays ont eu le courage de faire ce choix.

J’exige donc que nous ouvrions, par cette commission sur l’énergie, un réel débat et non une fiction à la sauce de gouvernance populiste. Je dénonce aujourd’hui l’offensive opportuniste des pétrolières sur notre territoire et l’aval que celles-ci reçoivent de nos élus. Soyons courageux et saisissons donc l’opportunité d’aborder  de face la question de notre dépendance au pétrole tant qu’il en est encore temps.

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